L’an dernier, après avoir soufflé mes quarante bougies, j’ai traversé ce qu’on pourrait appeler une mini-crise existentielle.
Les rides au coin des yeux, les premiers cheveux blancs, cette sensation étrange que le temps file.
C’est à ce moment précis qu’un ami m’a offert un livre sur l’ikigai.
Ce concept japonais a littéralement transformé ma vision du vieillissement.
Dans les villages d’Okinawa, où l’on trouve le plus grand nombre de centenaires au monde, l’âge n’est qu’un détail. Ce qui compte vraiment?
Avoir une raison de se lever chaque matin.
L’ikigai : bien plus qu’un concept à la mode
Quand on parle d’ikigai (生き甲斐), on évoque littéralement « la raison d’être » ou « ce qui rend la vie digne d’être vécue ». Ce n’est pas une philosophie complexe réservée aux intellectuels, mais une approche profondément ancrée dans le quotidien des Japonais, particulièrement à Okinawa.
Les habitants de cette île ne se contentent pas de vivre longtemps – ils vivent bien. À 90 ans passés, beaucoup cultivent encore leur jardin, participent à la vie communautaire et se réveillent avec un objectif précis pour la journée. Leur secret? Chacun a trouvé son ikigai, cette intersection parfaite entre passion, mission, profession et vocation.
Les quatre piliers de l’ikigai
L’ikigai se situe à la croisée de quatre éléments fondamentaux :
- Ce que vous aimez (votre passion)
- Ce pour quoi vous êtes doué (votre talent)
- Ce dont le monde a besoin (votre mission)
- Ce pour quoi vous pouvez être rémunéré (votre profession)
Selon les chercheurs japonais, quand ces quatre dimensions s’alignent, vous avez trouvé votre ikigai. Et c’est précisément ce qui manque à beaucoup d’entre nous dans nos sociétés occidentales où la retraite marque souvent le début d’une période de désorientation.
L’âge n’est qu’un nombre quand on a un but
Lors de mon voyage à Ogimi, un petit village d’Okinawa surnommé « le village des centenaires », j’ai rencontré Fumiko, 98 ans. Chaque matin, elle se lève à 5h pour préparer des plats traditionnels qu’elle vend au marché local. Ses mains ridées travaillent avec une précision étonnante, et ses yeux pétillent quand elle parle de ses recettes transmises sur plusieurs générations.
« Pourquoi continuez-vous à travailler à votre âge? » lui ai-je demandé. Sa réponse m’a bouleversé: « Ce n’est pas du travail quand c’est votre ikigai. Sans mes plats et les sourires de mes clients, je me sentirais inutile. Et quand on se sent inutile, on vieillit vraiment. »
Les preuves scientifiques derrière l’ikigai
Ce n’est pas juste une jolie philosophie. Des études scientifiques confirment les bienfaits d’avoir un but dans la vie :
- Une étude publiée dans The Lancet en 2018 a démontré que les personnes ayant un fort sentiment de but dans leur vie présentaient un risque de mortalité réduit de 30%.
- Des recherches de l’Université de Rush à Chicago ont établi que les personnes avec un but défini avaient 2,4 fois moins de risques de développer la maladie d’Alzheimer.
- Une étude japonaise menée sur 43 000 adultes a révélé que ceux qui avaient identifié leur ikigai présentaient des taux significativement plus bas de maladies cardiovasculaires et de stress chronique.
Comment j’ai trouvé mon ikigai (et comment vous pouvez trouver le vôtre)
Après ma découverte de ce concept, j’ai entamé un processus d’introspection qui a duré plusieurs mois. J’ai réalisé que mon travail dans la finance ne correspondait qu’à une partie de mon ikigai – celle qui me permettait de gagner ma vie. Mais il me manquait la passion et le sentiment d’utilité.
J’ai alors commencé à tenir un journal de réflexion en me posant chaque jour ces questions :
- Quelles activités me font perdre la notion du temps?
- Pour quoi les autres me complimentent-ils régulièrement?
- Si l’argent n’était pas un problème, que ferais-je de mes journées?
- Quel problème dans le monde me touche particulièrement?
Progressivement, j’ai réalisé que l’enseignement et le partage de connaissances financières auprès des jeunes me passionnaient. J’ai commencé par animer des ateliers bénévoles le week-end, puis j’ai créé une chaîne YouTube. Aujourd’hui, à 41 ans, j’ai complètement réorienté ma carrière et je me sens plus jeune et énergique qu’à 30 ans.
Exercices pratiques pour découvrir votre ikigai
Si vous souhaitez explorer votre propre ikigai, voici quelques exercices qui m’ont personnellement aidé :
Exercice | Comment procéder | Temps requis |
---|---|---|
La liste des 100 rêves | Notez 100 choses que vous aimeriez faire, être ou avoir dans votre vie | 1-2 heures |
L’exercice des 10 minutes | Écrivez sans interruption pendant 10 minutes sur ce qui vous rend vraiment heureux | 10 minutes par jour pendant une semaine |
L’analyse des héros | Listez 5 personnes que vous admirez et identifiez pourquoi | 30 minutes |
La cartographie de l’ikigai | Créez un diagramme de Venn avec vos passions, talents, besoins du monde et possibilités de rémunération | 1 heure + révisions régulières |
Les leçons d’Okinawa pour rester jeune d’esprit
Au-delà de l’ikigai, les habitants d’Okinawa m’ont enseigné plusieurs principes pour maintenir une jeunesse intérieure, indépendamment de l’âge chronologique :
1. Moai : l’importance des cercles sociaux
À Okinawa, le concept de moai désigne un groupe de personnes qui se réunissent régulièrement pour se soutenir mutuellement. Ces cercles sociaux offrent un soutien émotionnel, pratique et même financier à leurs membres.
J’ai observé des moais composés de personnes qui se connaissent depuis 80 ans! Ils se retrouvent chaque jour pour boire du thé, pratiquer le tai-chi ou simplement discuter. Ces liens sociaux forts sont un facteur déterminant de leur longévité et de leur bien-être mental.
2. Hara hachi bu : manger à 80% de sa faim
Les Okinawais pratiquent le hara hachi bu, qui consiste à arrêter de manger lorsqu’on est rassasié à 80%. Cette pratique contribue non seulement à leur longévité physique, mais reflète aussi une philosophie de modération qui s’applique à tous les aspects de la vie.
J’ai adopté ce principe et j’ai constaté une amélioration significative de mon énergie quotidienne. Moins de lourdeur après les repas signifie plus de clarté mentale pour poursuivre mon ikigai.
3. Yuimaru : l’entraide communautaire
Le concept de yuimaru fait référence à l’entraide et à la coopération au sein de la communauté. À Okinawa, personne n’est laissé seul face à ses difficultés. Cette solidarité crée un sentiment d’appartenance qui donne un sens à la vie, même à un âge avancé.
Dans notre société individualiste, recréer ce type de liens peut sembler difficile, mais c’est essentiel pour maintenir un esprit jeune. J’ai personnellement rejoint une association locale d’entraide, et cette connexion avec ma communauté m’a apporté une nouvelle dimension à mon ikigai.
L’ikigai face aux transitions de vie
L’un des aspects les plus puissants de l’ikigai est sa capacité à nous guider à travers les grandes transitions de la vie. Contrairement à la vision occidentale qui valorise souvent la retraite comme une « libération » du travail, l’ikigai nous invite à rester engagés tout au long de notre existence.
Takeo, un ancien pêcheur de 85 ans que j’ai rencontré à Okinawa, m’a confié : « Quand mes articulations sont devenues trop douloureuses pour naviguer, beaucoup pensaient que j’allais déprimer. Mais j’ai simplement réorienté mon ikigai vers l’enseignement des techniques de pêche traditionnelles aux jeunes. Mes mains ne peuvent plus tenir les filets, mais ma tête contient des trésors que je peux partager. »
Cette capacité d’adaptation est cruciale. Notre ikigai peut évoluer avec nous, s’adapter à nos capacités physiques changeantes, à nos nouvelles compétences ou aux besoins émergents de notre communauté.
Appliquer l’ikigai dans notre culture occidentale
Intégrer l’ikigai dans notre vie quotidienne occidentale demande certains ajustements culturels. Voici comment j’ai adapté ces principes à ma réalité :
- Redéfinir le succès : Au lieu de mesurer ma réussite à l’aune de mon compte en banque ou de mon titre professionnel, j’évalue maintenant ma journée selon l’impact positif que j’ai pu avoir et le plaisir que j’ai pris à exercer mon ikigai.
- Créer des rituels quotidiens : Chaque matin, je prends 10 minutes pour me connecter à mon ikigai avant de consulter mes emails ou les réseaux sociaux. Ce simple rituel oriente toute ma journée.
- Cultiver la patience : Dans notre culture de l’instantané, j’ai dû apprendre que trouver et vivre son ikigai est un processus qui se déploie sur des années, pas des semaines.
L’ikigai m’a appris que la jeunesse n’est pas une question d’apparence ou d’âge chronologique. Elle réside dans cette étincelle qui s’allume quand on se lève le matin avec un but qui nous transcende. À 41 ans, je ne cherche plus à paraître plus jeune – je cherche à vivre chaque jour pleinement, avec intention et sens.
Comme me l’a dit Fumiko avant que je ne quitte Okinawa : « L’âge n’est qu’un nombre sur un papier. Ce qui compte, c’est l’âge que ressent ton cœur quand tu fais ce qui te fait vibrer. »
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- L’ikigai : bien plus qu’un concept à la mode
- Les quatre piliers de l’ikigai
- L’âge n’est qu’un nombre quand on a un but
- Les preuves scientifiques derrière l’ikigai
- Comment j’ai trouvé mon ikigai (et comment vous pouvez trouver le vôtre)
- Exercices pratiques pour découvrir votre ikigai
- Les leçons d’Okinawa pour rester jeune d’esprit
- 1. Moai : l’importance des cercles sociaux
- 2. Hara hachi bu : manger à 80% de sa faim
- 3. Yuimaru : l’entraide communautaire
- L’ikigai face aux transitions de vie
- Appliquer l’ikigai dans notre culture occidentale