Tempêtes et ouragans : voici les secrets derrière leurs noms

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi on donne des noms aux tempêtes et aux ouragans ? Ou comment ces noms sont choisis ?

Ce n’est pas un hasard si la dernière tempête qui a frappé l’Europe s’appelait Ciaran.

Derrière ces appellations se cache tout un système bien rodé, fruit d’une collaboration internationale.

Plongeons dans les coulisses de ce processus fascinant qui mêle météorologie, communication et un soupçon de poésie.

Qui choisit les noms des tempêtes ?

Le choix des noms n’est pas laissé au hasard. C’est l’Organisation météorologique mondiale (OMM) qui orchestre ce ballet nominal à l’échelle planétaire. Mais attention, elle ne fait pas tout toute seule ! L’OMM délègue cette tâche cruciale à cinq organismes régionaux. Ces derniers ont la lourde responsabilité d’établir des listes de prénoms qui seront utilisés pour baptiser les futures tempêtes.

Un système bien huilé en Europe

Depuis 2017, l’Europe a mis en place un système particulièrement ingénieux. Le continent est divisé en cinq zones distinctes, chacune gérée par un groupe de services météorologiques nationaux qui collaborent étroitement. Par exemple, le groupe « sud-ouest » comprend :

  • Météo-France (France)
  • AEMET (Espagne)
  • IPMA (Portugal)
  • IRM (Belgique)
  • METEOLUX (Luxembourg) – qui a rejoint le groupe en 2021

Ce groupe est chargé de nommer les tempêtes susceptibles de toucher l’un de ces pays. C’est ainsi que la tempête Ciaran, qui a frappé le nord-ouest de la France récemment, a été nommée par le groupement de l’Irlande, du Royaume-Uni et des Pays-Bas.

Les règles du jeu : comment choisit-on un nom ?

Le choix des noms n’est pas laissé au hasard. Il obéit à des règles précises :

  1. Alternance des genres : Les listes de prénoms alternent systématiquement entre masculin et féminin. Cette pratique, introduite en 1979, vise à éviter toute discrimination. Avant cette date, seuls des prénoms féminins étaient utilisés.
  2. Familiarité régionale : Les prénoms choisis doivent être familiers dans la région où la tempête est susceptible de se produire. Cela facilite leur mémorisation dans les messages d’alerte.
  3. Ordre alphabétique : Les prénoms sont attribués dans l’ordre alphabétique. La première tempête de l’année reçoit un prénom commençant par A, la deuxième par B, et ainsi de suite.
  4. Rotation et renouvellement : Les prénoms sont réutilisés en rotation, mais peuvent être retirés si une tempête s’avère particulièrement destructrice ou meurtrière. C’est ce qui est arrivé pour Katrina, Mitch et Sandy.

Un cas particulier : le retrait du nom « Isis »

Il arrive parfois que des noms soient retirés pour des raisons inattendues. C’est le cas du prénom « Isis », qui a été retiré des listes en raison de son association avec l’organisation État islamique. Ce type de décision montre à quel point le choix des noms peut être sensible et doit s’adapter aux réalités géopolitiques.

Pourquoi nommer les tempêtes ?

Vous vous demandez peut-être pourquoi on se donne tant de mal pour nommer ces phénomènes météorologiques. La raison est simple : l’efficacité de la communication.

  • Nommer une tempête permet de communiquer plus efficacement à l’approche d’un phénomène de vent violent.
  • Des études menées au Royaume-Uni et en Irlande ont démontré que la population est plus attentive aux consignes de sécurité lorsqu’une tempête porte un nom.

En donnant un nom à une tempête, on la personnifie en quelque sorte, ce qui la rend plus concrète et mémorable pour le grand public.

Quand et comment nomme-t-on une tempête ?

Le processus de nommage d’une tempête est encadré par des règles précises :

  1. Une dépression est nommée si elle risque de provoquer une vigilance vent d’au moins niveau orange dans l’un des cinq pays du groupe.
  2. Le service météorologique qui prévoit d’émettre le premier l’alerte orange ou rouge attribue un nom à la dépression à partir d’une liste pré-établie et informe les autres services.
  3. La tempête garde le même nom durant tout son cycle de vie, quel que soit le pays qu’elle traverse.

Il est intéressant de noter que les tempêtes dues aux vents régionaux comme le mistral ne sont pas nommées. Ce système se concentre sur les phénomènes exceptionnels et potentiellement dangereux.

Un peu d’histoire : l’évolution du nommage des tempêtes

Le nommage des tempêtes n’est pas une pratique récente. En fait, elle remonte à plusieurs décennies :

  • Depuis 1954, l’Université libre de Berlin était chargée de nommer les anticyclones et dépressions européennes.
  • Le nouveau système de nommage par les services météorologiques nationaux partenaires a progressivement remplacé celui de l’Université de Berlin.
  • La coordination s’est étendue au fil des ans. Aujourd’hui, si une tempête affecte d’abord l’Irlande, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, le nom choisi par ces pays est retenu, et vice versa.

L’avenir s’annonce encore plus collaboratif, avec un projet d’extension de cette coordination à l’ensemble des pays européens.

La saison 2024-2025 : les noms à retenir

Alors que nous sommes actuellement le 8 octobre 2024, la saison des tempêtes 2024-2025 bat son plein. Voici la liste des noms qui ont été choisis pour cette saison :

NomOrigine
AitorEspagnol
BereniceFrançais
CaetanoPortugais
DorotheaAllemand
EnolEspagnol
FlorianeFrançais
GaroeEspagnol
HerminiaPortugais
IvoPortugais
JanaAllemand

Cette liste continue avec Konrad, Laurence, Martinho, Nuria, Olivier, Pauline, Rudiger, Salma, Timothee, Vanda, et Wolfgang. Comme vous pouvez le constater, ces noms reflètent la diversité linguistique et culturelle de l’Europe.

Des exceptions à la règle

Bien que le système soit bien établi, il existe quelques exceptions intéressantes :

  • Un pays peut nommer exceptionnellement une tempête pour d’autres phénomènes que le vent. Par exemple, la tempête Patricia a été nommée en raison d’une vigilance vagues-submersion.
  • Les tempêtes nommées par un autre pays n’auront pas un nom issu de la liste pré-établie pour la saison en cours.

L’impact des noms sur la perception du danger

Un aspect fascinant de ce système de nommage est son impact sur la perception du danger par le public. Une étude a révélé un phénomène surprenant : les ouragans avec des noms féminins causent plus de morts. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils sont perçus comme moins dangereux. Cette découverte souligne l’importance du choix des noms et la façon dont ils peuvent influencer le comportement du public face au danger.

Adoptez votre propre tempête !

Si vous avez toujours rêvé de donner votre nom à une tempête, sachez que c’est possible ! L’université libre de Berlin propose un programme original appelé « Adopt a Vortex ». Ce programme permet d’acheter un nom pour une tempête ou un anticyclone. Le prix ? 199 euros pour une tempête et 299 euros pour un anticyclone. Non seulement vous aurez le plaisir de voir « votre » tempête dans les bulletins météo, mais vous contribuerez au financement de l’institut de météorologie de l’université.

Cependant, attention aux restrictions : les prénoms fantaisistes, composés ou de marques ne sont pas acceptés. Il faudra donc se contenter d’un prénom classique si vous souhaitez participer à cette expérience unique.

Vers une coordination mondiale ?

Bien que le système européen soit déjà bien rodé, la coordination ne s’arrête pas aux frontières du continent. Pour les tempêtes tropicales, ouragans ou cyclones, c’est le National Hurricane Center en Floride qui est chargé de leur attribuer un nom. Leur système fonctionne de manière similaire, avec quelques spécificités :

  • Six listes de noms sont utilisées en rotation tous les six ans. Par exemple, les listes de 2005, 2011 et 2017 sont identiques.
  • Comme en Europe, si une tempête est particulièrement meurtrière (comme l’ouragan Katrina), son nom est retiré de la liste et remplacé par un autre pour les années suivantes.

Cette approche globale montre à quel point la météorologie est un domaine qui nécessite une collaboration internationale étroite. Les phénomènes météorologiques ne connaissent pas de frontières, et leur nommage reflète cette réalité.

L’avenir du nommage des tempêtes

Alors que nous approchons de la fin de l’année 2024, on peut se demander comment ce système évoluera dans les années à venir. Plusieurs pistes se dessinent :

  1. Extension de la coordination : Le projet d’étendre la coordination du nommage à l’ensemble des pays européens pourrait bientôt se concrétiser, renforçant encore la cohérence des alertes météorologiques à l’échelle du continent.
  2. Intégration de nouvelles technologies : Avec l’avènement de l’intelligence artificielle et du big data, on pourrait imaginer des systèmes de prévision encore plus précis, influençant potentiellement la façon dont les tempêtes sont nommées et catégorisées.
  3. Sensibilisation accrue du public : Les efforts pour rendre les noms des tempêtes plus mémorables et impactants pourraient s’intensifier, dans le but d’améliorer la réactivité du public face aux alertes.
  4. Prise en compte des changements climatiques : Avec l’augmentation prévue de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, le système de nommage pourrait devoir s’adapter pour refléter ces nouvelles réalités.

En fin de compte, le nommage des tempêtes est bien plus qu’un simple exercice de dénomination. C’est un outil crucial de communication et de sécurité publique, reflétant la complexité et l’interconnexion de notre monde moderne. Alors, la prochaine fois que vous entendrez parler d’une tempête nommée, vous saurez que derrière ce simple prénom se cache tout un système international, conçu pour nous protéger et nous informer au mieux.

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