La langue de bois en politique : décryptage des figures de style pour influencer les électeurs

La politique et la rhétorique font souvent bon ménage, pas toujours pour les bonnes raisons.

Les discours politiques regorgent de figures de style visant à séduire, convaincre, mais aussi parfois à embrouiller les esprits.

Alexis de Tocqueville, l’un des penseurs de notre démocratie moderne, avait bien cerné le problème quand il déclarait : « Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira. » Une prédiction qui semble encore d’actualité, à en juger par les résultats de certains scrutins récents.

Pour ne pas tomber dans le piège des beaux parleurs, il est utile de connaître leurs armes rhétoriques. Voici donc un petit guide des principales figures de style utilisées en politique pour embobiner les foules :

L’oxymore : marier les contraires pour mieux les faire avaler

L’oxymore consiste à accoler deux termes contradictoires. En politique, c’est souvent utilisé pour rendre acceptable une idée qui ne l’est pas vraiment.

  • « Développement durable » : comme si le développement pouvait être figé dans le temps
  • « Croissance négative » : un joli euphémisme pour parler de récession
  • « Capitalisme raisonné » : une contradiction dans les termes

L’hyperbole : exagérer pour mieux manipuler

L’hyperbole consiste à grossir le trait, souvent pour dramatiser une situation ou magnifier une action.

  • « Les privilèges acquis » : une façon de diaboliser des droits sociaux
  • « Des cités interdites à la police » : une exagération alarmiste
  • « Érigeons un front républicain contre la barbarie » : dramatisation à outrance

Le pléonasme : répéter pour mieux marteler

Le pléonasme consiste à utiliser des termes redondants. En politique, c’est souvent pour insister lourdement sur une idée.

  • « Démocratie participative » : comme si la démocratie n’impliquait pas déjà la participation
  • « Socialiste de gauche » : une tautologie qui en dit long sur l’évolution de certains partis
  • « Tri sélectif » : parce qu’un tri est forcément sélectif

L’anaphore : répéter pour mieux convaincre

L’anaphore consiste à répéter un mot ou une formule en début de phrase. C’est très utilisé dans les discours pour marteler une idée.

  • « Moi président… » : le fameux discours de François Hollande
  • « Être patriote » : un leitmotiv d’Emmanuel Macron
  • « Hypocrite ! » : une accusation répétée par Jean-Luc Mélenchon

Le chiasme : croiser les mots pour embrouiller les esprits

Le chiasme consiste à croiser des éléments dans une phrase selon le modèle ABBA. C’est souvent utilisé pour allonger un discours ou affirmer des choses discutables.

Exemple de Nicolas Sarkozy : « La vérité, c’est qu’il existe des régimes spéciaux de retraites qui ne correspondent pas à des métiers pénibles et qu’il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite. »

L’euphémisme : adoucir pour mieux faire passer

L’euphémisme consiste à atténuer une réalité désagréable. C’est très utilisé en politique pour faire avaler des couleuvres.

  • « Baisse tendancielle de l’augmentation du nombre de chômeurs » : pour ne pas dire que le chômage continue d’augmenter
  • « Frappe chirurgicale » : pour parler d’un bombardement
  • « Dommages collatéraux » : pour évoquer les victimes civiles

La tautologie : dire sans rien dire

La tautologie consiste à définir un mot par lui-même. En politique, c’est souvent utilisé pour combler un vide ou sacraliser une idée creuse.

Exemple d’Emmanuel Macron : « Ce projet, c’est notre projet »

Le néologisme et la périphrase : remplacer pour mieux cacher

Ces figures consistent à créer de nouveaux mots ou expressions pour remplacer des termes existants, souvent dans le but de masquer une réalité gênante.

  • « Classe moyenne » : pour ne plus parler de classe ouvrière
  • « Les assistés » : pour désigner les bénéficiaires d’aides sociales
  • « Flexi-sécurité » : pour faire passer la précarisation de l’emploi

En définitive, la rhétorique politique est un art subtil de la manipulation langagière. Connaître ces figures de style permet de mieux décrypter les discours et de ne pas se laisser berner par de beaux parleurs. À l’heure où l’information circule à toute vitesse, il est plus que jamais nécessaire d’aiguiser son esprit critique et de ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu’on nous sert, même quand c’est bien emballé.

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