La langue française regorge de subtilités grammaticales qui peuvent faire transpirer même les plus aguerris d’entre nous.
Parmi ces casse-têtes, l’accord du participe passé des verbes pronominaux tient une place de choix.
Aujourd’hui, découvrons les méandres de la conjugaison avec un cas particulier qui soulève bien des interrogations : faut-il écrire « elle s’est demandée » ou « elle s’est demandé » ?
Cette question, en apparence anodine, cache une complexité insoupçonnée qui mérite qu’on s’y attarde.
Alors, retroussons nos manches et démêlons ensemble les fils de cette énigme grammaticale !
Le verbe « se demander » : un cas particulier
Pour comprendre l’accord du participe passé de « se demander », il faut d’abord saisir la nature de ce verbe. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, « se demander » n’est pas un verbe exclusivement pronominal. En effet, il peut être utilisé sans le pronom réfléchi « se », comme dans l’expression « demander quelque chose à quelqu’un ».
Cette particularité a son importance car elle influence directement la règle d’accord à appliquer. Dans le cas de « se demander », le pronom « se » joue un rôle crucial dans la détermination de l’accord du participe passé.
La règle générale d’accord des participes passés
Avant de nous pencher sur le cas spécifique de « se demander », rappelons la règle générale d’accord du participe passé :
- Avec l’auxiliaire « être », le participe passé s’accorde généralement avec le sujet de la phrase.
- Avec l’auxiliaire « avoir », l’accord se fait avec le complément d’objet direct (COD) si celui-ci est placé avant le verbe.
Cependant, les verbes pronominaux suivent une logique un peu différente. Bien qu’ils se conjuguent avec « être », l’accord du participe passé se fait comme s’ils étaient conjugués avec « avoir ». C’est là que les choses se corsent !
Le cas spécifique de « se demander »
Dans la phrase « elle s’est demandé », le pronom « se » joue un rôle particulier. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas un complément d’objet direct (COD), mais un complément d’objet indirect (COI). Comment le savoir ? C’est simple : il répond à la question « à qui ? » et non « qui ? » ou « quoi ? ».
Cette distinction est cruciale car elle détermine l’accord du participe passé. En effet, puisque le « se » est un COI, il n’entraîne pas l’accord du participe passé. Par conséquent, la forme correcte est :
« Elle s’est demandé » (sans « e » à la fin de « demandé »)
Cette règle s’applique à toutes les personnes :
- Je me suis demandé
- Tu t’es demandé
- Il/Elle s’est demandé
- Nous nous sommes demandé
- Vous vous êtes demandé
- Ils/Elles se sont demandé
L’exception qui confirme la règle
Comme souvent en français, il existe une exception à cette règle. Cependant, rassurez-vous, elle est si rare qu’elle en devient presque anecdotique. Imaginons la phrase suivante :
« Elle a téléphoné à l’accueil de son entreprise, pour rigoler, elle s’est demandée au téléphone. »
Dans ce cas particulier et franchement tiré par les cheveux, le « s' » devient effectivement un COD. Par conséquent, le participe passé s’accorde. Mais avouons-le, les chances de rencontrer une telle construction sont infinitésimales !
Les verbes pronominaux : un casse-tête grammatical
L’accord du participe passé des verbes pronominaux est souvent source de confusion, et pour cause ! Ces verbes suivent des règles qui peuvent sembler contre-intuitives au premier abord. Prenons le temps de décortiquer leur fonctionnement.
Les différents types de verbes pronominaux
Il existe plusieurs catégories de verbes pronominaux, chacune avec ses propres particularités :
- Les verbes essentiellement pronominaux : ils n’existent qu’à la forme pronominale (se souvenir, s’évanouir)
- Les verbes accidentellement pronominaux : ils peuvent s’utiliser avec ou sans le pronom réfléchi (se laver, se promener)
- Les verbes à sens passif : le sujet subit l’action (se vendre, se manger)
- Les verbes de sens réciproque : l’action est mutuelle entre plusieurs sujets (s’embrasser, se disputer)
« Se demander » appartient à la catégorie des verbes accidentellement pronominaux, ce qui explique en partie la complexité de son accord.
L’accord du participe passé suivi d’un infinitif
La situation se complique davantage lorsque le participe passé est suivi d’un verbe à l’infinitif. Cette configuration soulève de nouvelles questions d’accord, notamment avec les verbes de perception et le verbe « se laisser ».
Les verbes de perception
Avec les verbes de perception (voir, entendre, sentir…), le participe passé s’accorde avec le complément d’objet direct placé avant le verbe, à condition que ce COD fasse l’action exprimée par l’infinitif. Par exemple :
« Valérie, que j’ai entendue chanter »
Ici, « entendue » s’accorde car Valérie (le COD) fait l’action de chanter.
Le cas particulier de « se laisser »
Le verbe « se laisser » suivi d’un infinitif obéit à une règle spécifique. Le participe passé reste invariable si le sujet ne réalise pas l’action exprimée par l’infinitif. Par exemple :
« Muriel s’est laissé tenter par le dessert »
Ici, « laissé » ne s’accorde pas car Muriel ne fait pas l’action de tenter.
La réforme de l’orthographe de 1990 : vers une simplification ?
Face à la complexité de ces règles, la réforme de l’orthographe de 1990 a proposé une simplification pour le verbe « laisser ». Elle suggère de rendre le participe passé « laissé » invariable dans tous les cas lorsqu’il est suivi d’un infinitif. Cette proposition vise à réduire les erreurs et à faciliter l’apprentissage de la langue française.
Cependant, il est essentiel de mentionner que cette réforme n’est pas universellement adoptée et que les deux formes (accord ou non-accord) restent acceptées dans la plupart des contextes.
Quelques exemples pour mieux comprendre
Pour illustrer ces règles parfois complexes, voici quelques exemples supplémentaires :
- « Elle s’est laissée tomber sur le canapé » (elle tombe, donc accord)
- « Elle s’est laissé convaincre par ses arguments » (elle ne convainc pas, donc pas d’accord)
- « Ils se sont demandé la raison de ce changement » (pas d’accord, « se » est COI)
- « Les chansons que j’ai entendues chanter » (accord, le COD « chansons » fait l’action de « chanter »)
L’importance de la pratique et de la lecture
Maîtriser l’accord du participe passé, en particulier pour les verbes pronominaux comme « se demander », demande de la pratique et une exposition régulière à la langue écrite. La lecture d’ouvrages en français, qu’il s’agisse de romans, d’essais ou de journaux, est un excellent moyen de se familiariser avec ces subtilités grammaticales.
N’hésitez pas à consulter des guides de grammaire ou à utiliser des outils de vérification orthographique en cas de doute. Avec le temps et la pratique, ces règles deviendront plus intuitives et vous permettront d’écrire avec plus d’assurance.
Vers une évolution de la langue ?
Alors que nous sommes en 2024, il est intéressant de se demander si ces règles complexes d’accord du participe passé évolueront dans les années à venir. La langue française, comme toute langue vivante, est en constante évolution. Les débats sur la simplification de l’orthographe et de la grammaire sont toujours d’actualité.
Certains linguistes et pédagogues plaident pour une simplification des règles d’accord du participe passé, arguant que leur complexité est un frein à l’apprentissage et à la maîtrise du français, tant pour les natifs que pour les apprenants étrangers. D’autres, en revanche, considèrent que ces subtilités font partie intégrante de la richesse et de la précision de la langue française.
Quoi qu’il en soit, pour l’heure, la règle reste la même : avec « se demander », le participe passé reste invariable dans la grande majorité des cas. Alors, la prochaine fois que vous vous poserez la question, vous saurez qu’il faut écrire « elle s’est demandé » et non « elle s’est demandée ». Et si jamais vous avez un doute, n’hésitez pas à vous replonger dans cet article !
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- Le verbe « se demander » : un cas particulier
- La règle générale d’accord des participes passés
- Le cas spécifique de « se demander »
- L’exception qui confirme la règle
- Les verbes pronominaux : un casse-tête grammatical
- Les différents types de verbes pronominaux
- L’accord du participe passé suivi d’un infinitif
- Les verbes de perception
- Le cas particulier de « se laisser »
- La réforme de l’orthographe de 1990 : vers une simplification ?
- Quelques exemples pour mieux comprendre
- L’importance de la pratique et de la lecture
- Vers une évolution de la langue ?